A la suite de son intervention Au Forum des dirigeants à la 39e session de la Conférence
générale de l’UNESCO le 31 octobre 2017,
Le président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar
Keïta a rendu hommage à Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO, un
hommage avec le défilé de mode du styliste Nigérian Alphadi animé par la
musique Mandingue.
Voici l‘extrait de
son discours :
S.EXC. Ibrahim Boubacar Keïta au milieu, Irina Bokova à droite |
Le
terrorisme est devenu une gangrène planétaire qui appelle à un combat sans
relâche. Comme un caméléon, il s’adapte à tous les contextes, utilisant tous
les moyens modernes, et frappe d’innocentes personnes en toute lâcheté. Notre
réponse ne doit ni attendre, ni être tributaire de calculs politiciens.
A
ces actes de désolation, nous devrons être capables de réagir avec vigueur et
faire maintenir l’espoir partout dans le cœur des enfants du monde. Nous
devrons refuser que la haine ne l’emporte sur l’amour entre les hommes. Nous
devrons refuser que les armes ne l’emportent sur la raison et sur les cœurs. Je
salue à cet égard les efforts de l’UNESCO pour faire du Forum de Bakou un lieu
d’échange stratégique sur les questions d’extrémisme violent. Notre participation
à ce rendez-vous important témoigne de l’intérêt du Mali à raffermir sa
coopération avec tous les acteurs œuvrant pour le rapprochement des cultures.
Ibrahim Boubacar Keïta, Président de la République du Mali aux cotés de son épouse à gauche |
Ces
actes aussi violents soient-ils, ne doivent aucunement vaincre notre résistance
et notre détermination à faire dialoguer nos civilisations et nos cultures.
C’est cette preuve que le Mali souhaite administrer en organisant le 1er
octobre 2017, ici-même, une table ronde sur le dialogue des cultures. Par la
magie du cinéma, deux cultures (occidentale et africaine), représentées par des
figures emblématiques comme Jean Rouch et Amadou Hampâté Bâ, nous rappellent la
nécessité de promouvoir le dialogue des civilisations pour faire prospérer un
monde de paix.
Défilé de mode par Alphadi |
Le
film que vous êtes invités à visionner en levée de rideau, tourné en 1984,
évoque déjà à cette période, des questions qui se posent à nous aujourd’hui
avec acuité. Pour nous rappeler que rien ne vaut le dialogue ! Il doit
être notre rempart contre l’extrémisme. Il doit être notre source d’énergie.
L’ingénieur
français, fasciné par les cultures africaines et converti en un de leurs
chantres le plus illustre, rencontre un symbole vivant de ces mêmes cultures en
l’occurrence Amadou Hampâté Bah dans sa maison d’Abidjan. De leur dialogue, il
ressort que l’homme doit cheminer vers l’homme pour son plein accomplissement.
C’est une belle leçon de vie qui vaut notre attention.
Le président de la République du Mali offre un tableau la DG Irina Bokova |
Mon
pays, empêtré dans une crise multidimensionnelle, retrouve son chemin depuis la
signature de l’Accord de paix. Certes, la mise en œuvre dudit Accord, sous la
supervision de la médiation internationale, exige d’énormes sacrifices de
toutes les parties. Pour sa part, le Gouvernement du Mali ne ménage aucun
effort pour mettre pleinement en œuvre l’Accord. Dieu seul sait que nous avons
consenti des sacrifices et que des progrès sont remarquables en dépit des défis
inhérents à un tel processus.
La
mise en place du commandement opérationnel du G5 Sahel à Sevaré, au Mali,
consacre le démarrage des activités de cette alliance des Etats du Sahel pour
mutualiser leurs efforts en vue de vaincre le terrorisme.
Le
G5 Sahel complète le dispositif militaro-sécuritaire composé des forces
onusiennes (la MINUSMA), des forces Barkhane de la France et des FAMA.
Il
me plait de saisir l’opportunité de cette tribune pour vous remercier encore
une fois pour la solidarité manifestée à l’endroit du Mali. On se souvient au
Mali et ailleurs des effroyables images de destruction des mausolées de
Tombouctou et de l’autodafé des anciens manuscrits.
Effondrée
par l’horrible spectacle, Madame la Directrice générale, vous avez promis de ne
pas croiser les bras. Sous votre impulsion, l’UNESCO a lancé une vaste campagne
de reconstruction du patrimoine culturel mondial du Mali. Votre appel au monde,
le plan d’action adopté et les différentes initiatives qui l’ont mis en œuvre,
ont permis de reconstruire les mausolées de nos saints, que vous avez
personnellement inaugurés à Tombouctou en juillet 2015. Je me réjouis du succès
de la fin de la 1ère phase du Programme de reconstruction et invite
nos partenaires à nous accompagner pour la 2ème phase.
Que
la maison de René Caillé, chrétien côtoie les proches avenues de Sankoré et
soit un objet d’attraction dans une ville majoritairement musulmane, suffit à
mesurer l’esprit de tolérance des populations et la nature de l’islam qu’elles
pratiquent.
En
détruisant les mausolées de cette ville symbole de l’islam, les terroristes ont
voulu provoquer l’indignation ; ils ont voulu tout effacer ; mais
oublient-ils que l’histoire ne s’efface pas d’un coup de canon. Tombouctou,
ville patrimoine de l’humanité, ne s’effondrera pas sous la première menace.
Ceux qui ont décrit Tombouctou, René Caillé, Gordon Laing, Heinrich Barth et
Oscar Lenz n’ont nulle part vu des signes d’intolérance dans cette cité. Ils
ont admiré la civilité des populations, civilité soutenue par la culture
immense d’hommes de lettres et de sciences à Sankoré, une prestigieuse
université médiévale.
Dès
lors, je me réjouis de l’issue du procès historique d’Al-Faqhi qui présente les
germes de l’espoir que ceux qui détruisent répondront de leurs actes devant la
justice universelle.
Les
manuscrits que nos sages maîtres ont légués à la postérité, contiennent des
connaissances qui nous auraient servi à consolider notre entente et notre
vivre-ensemble. J’appelle au soutien de l’UNESCO encore une fois pour faire
parler les manuscrits dès lors que les conditions seront créées pour leur
exploitation paisible.
La
conférence d’Abu Dhabi de décembre 2016 suivie de la conférence du Louvre ouvre
de nouvelles perspectives dans la mobilisation des moyens pour la protection de
notre patrimoine commun. Je salue la France, les Emirats arabes unis et la
Suisse pour leurs efforts dans ce sens.
J’appelle
tout aussi au soutien de l’ensemble de la communauté internationale et en
priorité aux Etats africains pour une véritable diffusion de l’histoire
générale de l’Afrique et la réalisation du 9ème volume. Cet
important travail scientifique réalisé, doit servir l’humanité. La signature par
les artistes maliens de la Déclaration d’engagement pour la Coalition des
artistes pour l’Histoire générale de l’Afrique, prouve si besoin en était, le
grand intérêt du Mali pour ce projet majeur.
Notre
indignation est grande devant les scènes de destruction de biens appartenant à
l’humanité et témoignant de la créativité des civilisations humaines. Tout
comme notre indignation est grande, notre colère est ouverte face aux
tergiversations de la communauté internationale. Le monde ne peut demeurer à regarder
que la folie de quelques nervis effacent des siècles de traces de notre
histoire commune.
Madame Bokova,
Au
moment où vous terminez votre mandat à la tête de cette vénérable institution,
permettez-moi de vous dire l’hommage du Mali et de Tombouctou. Vous n’imaginez
pas l’immense bonheur de tout un peuple, qui vous reste reconnaissant, pour
tout ce que vous avez pu lui apporter durant ces années.
Par
ma voix, le Mali vous dit merci et vous souhaite bonne chance dans la nouvelle
vie que vous allez entamer.
Le
monde est confronté à l’extrémisme violent et à d’autres défis menaçant même la
paix dans le monde, gage de tout développement. Ces défis justifient la
nécessité de renforcer le rôle de l’UNESCO et notre collaboration avec elle.
Son action dans l’éducation à travers l’Agenda 2030, doit être soutenue pour
transformer les hommes en véritables acteurs du monde et de son développement.
Unis,
nous saurons faire régner la joie dans le cœur des tous et la paix dans
l’esprit de tous. Ainsi nous aurons été dignes de nos illustres devanciers qui
en fondant notre belle organisation étaient convaincus que « « les guerres prenant naissance dans l'esprit
des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les
défenses de la paix ».
Thérèse Diatta Ngoboh
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