Le président de la République
Française, François Hollande, a reçu le Prix Félix Houphouët-Boigny pour la
recherche de la paix à l’UNESCO (organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture), le 5 juin dernier, récompense pour sa
contribution considérable à la paix et à la stabilité en Afrique. Le prix a été
remis par le président du Jury, monsieur Mario Soares en présence des chefs d’Etats
africains, Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO…
François Hollande et Irina Bokova |
François Hollande s'adresse au public à l'occasion de la remise du Prix Houphouet-Boigny pour la recherche de la paix |
Discours du Président de la
République française François Hollande, à l’occasion De la Remise du Prix félix
Houphouët - Boigny pour la recherche de
la paix à l’UNESCO.
« C’est avec une immense fierté que je reçois
aujourd’hui le prix prestigieux portant le nom d’Houphouët-Boigny. Un homme,
porteur de valeurs universelles, qui était le premier président de la
République de Côte d’Ivoire et avait servi, pendant un temps, la République
Française.
Je reçois ce
prix des mains de Mario SOARES, un ami, mais surtout un homme qui a consacré sa
vie à la démocratie et à la décolonisation.
Je suis
devant mes collègues, Chefs d’Etats et Chefs de Gouvernement africains, qui
m’ont accompagné dans la décision qui me permet aujourd’hui d’être lauréat de
ce prix. Ils y sont donc associés.
Je salue le
Jury, son président, je l’ai fait, son Secrétaire général, ses membres, son
parrain, son protecteur, et je félicite le président Abdou DIOUF, qui est capable
de parler de Jaurès en wolof.
Je vous
salue, Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs, Mesdames et
Messieurs, qui me faites le plaisir de m’accompagner dans cette cérémonie, qui
est pleine de reconnaissance, pleine de gratitude et en même temps pleine
d’émotion.
Je le fais
ici, dans un cadre qui est symbolique.
Madame la
Directrice, nous sommes à l’UNESCO.
L’UNESCO,
cette grande organisation qui porte des valeurs de culture, de dialogue, de
compréhension et de paix.
Je salue
l’action que vous menez à la tête de cette grande organisation, qui lorsqu’elle
pratique le multilinguisme, cher au monde francophone, est fidèle à sa mission.
Lorsque
l’UNESCO met l’émancipation des femmes au cœur de l’éducation, elle est
exemplaire.
Lorsqu’elle
place la culture au cœur de son projet, elle est visionnaire.
Lorsqu’elle
défend partout le pluralisme, l’accès à l’information, l’UNESCO est
libératrice.
Alors, il
est vrai que, recevoir le prix Houphouët-Boigny, ici, à l’UNESCO, prend une
portée particulière.
* * *
Il peut
paraître paradoxal de recevoir une récompense pour la recherche de la paix
après avoir porté la responsabilité d’une guerre.
Mais la
décision que j’ai prise au nom de la France, le 11 janvier, n’avait pas d’autre
but que de mettre fin à une agression. La pire qui soit. Celle qui voulait par
la terreur soumettre un pays ami.
Face à la
haine, c’est la faiblesse qui aurait été coupable et c’est la force qui était
légitime. Tout retard aurait été désastreux. Toute hésitation aurait été tragique.
Toute inertie aurait été fatale.
Il est
effectivement des moments dans la vie d’un Chef d’Etat, où il s’agit, non pas
de prendre la bonne décision, nous l’avions déjà prise, les uns et les autres,
depuis longtemps. Mais de la prendre au bon moment, et de faire en sorte qu’à
l’instant où elle est effectivement actée, elle puisse être pratiquement mise
en œuvre.
La France
est donc intervenue avec ses forces armées.
La CEDEAO,
M. le Président OUATTARA, l’a accompagnée, je vous en remercie. L’Union
africaine, cher Thomas Boni YAYI, l’a soutenue, l’Union européenne l’a appuyée,
et enfin les Nations Unies lui ont donné son cadre, sa légalité, sans laquelle
la France ne serait pas venue au Mali.
Cela a été
dit avant moi : la France n’a pas seulement arrêté les terroristes avant
qu’ils n’arrivent à Bamako -car ils étaient sur le chemin-, elle a prévenu une
opération qui visait à soumettre tout le Sahel et à faire en sorte que chaque
pays de l’Afrique de l’Ouest ait à craindre pour sa souveraineté, pour sa liberté,
pour son indépendance.
C’est
pourquoi l’appel des autorités maliennes, était un geste salvateur.
L’Histoire
retiendra, cher Dioncounda TRAORE, que c’est vous qui, par votre acte courageux
de faire appel à la France, avez permis la survie de votre pays et la stabilité
de l’Afrique de l’Ouest.
Car je veux
restituer aussi les choses telles qu’elles se sont passées. La France était
prête. La France avait décidé. Mais elle ne serait pas venue au Mali si elle
n’avait pas été appelée par le président légitime de ce pays. Elle ne serait
pas venue non plus seule ; c’est parce que les Maliens eux-mêmes, les
Africains qui l’ont soutenue, voulaient faire cette reconquête de la
souveraineté du Mali, que nous sommes venus à l’heure dite à vos côtés.
Ce n’est pas
la France qui a libéré le Mali, ce sont les Africains qui eux-mêmes se sont
libérés du terrorisme et de la servitude.
Cette guerre
de libération nous a réunis, Français et Africains. Elle est l’exact contraire
d’une guerre de civilisation car c’était une bataille pour la dignité humaine,
pour la démocratie, pour le respect. Notamment le respect des religions et de
la religion musulmane.
A
Tombouctou, les mausolées des saints étaient réduits à l’état de poussière, des
manuscrits étaient brûlés.
En chassant
les terroristes, nous avons préservé un symbole de l’Islam, de culture, de
tolérance et d’échanges.
C’est aussi
le symbole que je voudrais donner à cette intervention. Car l’Islam est une
religion de paix, et ceux qui s’en réclament pour faire la terreur ne sont pas
– tel que je le conçois – des hommes qui peuvent porter des valeurs
universelles, celle que les religions – heureusement – ont à cœur de défendre.
La France a
été au service de l’émancipation. Le fait que l’Union Africaine, dont la
vocation première était en 1963 de lutter contre le colonialisme, à
Addis-Abeba, ait salué notre décision, est un beau symbole de la reconnaissance
de l’intervention de la France.
Je l’ai dit
à Bamako, dans la foule qui se pressait autour de nous avec le président
malien : c’est une dette que mon pays avait à acquitter à l’égard de
l’Afrique. Parce que la France ne pouvait pas oublier la participation des
soldats d’Afrique à nos côtés lors des deux dernières guerres mondiales.
Non, la France ne pouvait pas oublier les dizaines de milliers d’Africains qui
ont laissé leurs vies sur les champs de bataille pour la liberté de la France,
pour les libertés de l’Europe.
Les
survivants du second conflit mondial – il y en a encore – ont été parfois bien
mal récompensés, souvent discriminés dans la perception de leurs pensions. Et
bien la moindre des choses, c’était de leur porter secours au moment où ils
faisaient appel à nous.
Au lendemain
de la première guerre mondiale, un monument en mémoire à ces soldats d’Afrique
avait été érigé, en 1924, à Reims. Ce sont les nazis qui l’ont démonté en 1940.
Une deuxième
statue identique à la première avait été érigée elle aussi à Bamako, sur la
place de la liberté. Aujourd’hui la ville de Reims – et je rends hommage à son
maire Adeline Hazan – pour lancer les commémorations de la première guerre
mondiale, a décidé de reconstruire un monument comparable à celui qui avait été
détruit et à celui qui est resté à Bamako.
C’est une
belle initiative qui me permet d’inviter toute l’Afrique, tous les chefs d’Etats
africains, à la célébration de la guerre de 1914 pour que plus rien ne soit
oublié et que nous puissions encore servir la paix.
L’intervention
de la France a permis de faire cesser un ordre brutal, inhumain.
Je pense
d’abord aux femmes victimes de viols, d’agressions sexuelles, soumises à
des privations de liberté. C’est pour les femmes que la France est intervenue.
Je pense aux
enfants, aux adolescents, hélas certains enrôlés de force dans les groupes
terroristes, et qui ont été victimes – ces enfants là – de la guerre. C’est
pour les enfants d’Afrique que la France est intervenue.
Je pense aux
Maliens amputés, châtiés sans jugement. C’est pour la justice que la France est
intervenue.
Je pense
aussi à ces interdictions d’écouter de la musique, même de jouer au
football ! Je pense à ces mesures vexatoires, humiliantes, qui démontrent
la nature totalitaire des groupes qui voulaient imposer un mode de vie … Non,
ce n’était déjà plus la vie.
Ce sont ces
brutalités qui ont fait fuir près d’un tiers de la population du Nord du Mali.
400.000 personnes qui sont parties sur les routes. Je veux ici remercier les
pays voisins et leurs Chefs d’Etats pour avoir accueilli ces réfugiés, pour les
avoir nourris et pour leur avoir permis d’attendre de longs mois avant de pouvoir
enfin revenir dans leur pays.
Il fallait
mettre fin à ce désastre, mais avec un souci qui ne nous a pas quitté depuis le
11 janvier : ne pas ajouter un drame à un autre, ne pas frapper les
populations civiles, rester dignes, servir le droit. Nous y sommes parvenus.
De même, les
insurgés, les terroristes que nous avons pu faire prisonniers, ont été remis
aux autorités maliennes, font l’objet d’un suivi par la Croix Rouge, car
Mesdames et Messieurs, on ne combat pas les terroristes en adoptant leurs méthodes
mais en les privant de toute justification de leurs dérives.
Les
sanctions, et il y en aura, qui frapperont ceux qui se sont rendus coupables
d’exactions et de crimes dans le nord du Mali, ces sanctions seront
judiciaires. La justice ne sera pas celle des vainqueurs, mais celle qui,
impartiale, punira les coupables et relaxera les innocents. C’est le sens aussi
du combat que nous avons livré.
Mais il
n’est pas fini. Même si le Mali a retrouvé son intégrité, sa souveraineté, sa
stabilité, il y a encore beaucoup à faire, au Mali, et au-delà. C’est une
grande partie de l’Afrique qui est aujourd’hui menacée. Et donc l’enjeu, celui
que nous avons porté ensemble au cours de cette journée, c’est de tout faire
pour renforcer les capacités des pays africains pour qu’ils puissent assurer
eux-mêmes leur sécurité.
Je l’avais
dit à Dakar, dans un discours que j’avais prononcé devant le Parlement. Ce sont
les Africains qui doivent assurer leur sécurité, et eux seuls. Mais le rôle de
la France, le rôle de l’Europe, c’est de leur donner tous les moyens :
formation, encadrement, équipement, pour leur donner la possibilité d’assurer
cette mission. Qui n’est pas une mission simplement pour l’Afrique, qui est une
mission pour la paix et la stabilité du monde.
Nous avons
aussi un autre défi à relever, reconstruire le Mali. Ce fut l’objet, et j’en
remercie ceux qui y ont contribué, de la conférence du 15 mai à Bruxelles. Plus
de trois milliards d’euros ont été promis pour financer un plan de renouveau
sur deux ans. Il reviendra aux autorités maliennes de le mettre en œuvre, de
faire que chaque euro puisse aller vers celles et ceux qui en ont le plus
besoin, que les collectivités locales maliennes puissent être impliquées dans
cette reconstruction, que cette aide permette de favoriser le dialogue et donc
la paix et d’assurer le développement.
La paix, il
nous faut aussi la gagner. Elle passe par la démocratie.
Le président
Dioncounda TRAORE a eu, une nouvelle fois, le courage de confirmer que les
élections se tiendraient, se tiendront donc, à la date prévue.
Quand je dis
à la date prévue, cela veut dire dans tout le Mali, dans toutes les villes du
Mali, et donc à Kidal, comme partout au Mali. Et le processus qui est en cours
doit permettre d’accompagner l’administration civile malienne, à Kidal comme
dans tout le nord du Mali.
Aucun groupe
armé ne peut rester armé au Mali. Les élections se tiendront donc à la fin du
mois de juillet. Et je serais heureux, ainsi que les chefs d’Etat qui sont ici
rassemblés, et beaucoup d’autres, d’être présent pour l’investiture du nouveau
président du Mali.
Au moment où
je m’exprime, la situation au Sahel reste préoccupante, fragile. L’intervention
de 2011 en Libye, qui n’a pas été menée jusqu'à son terme, a conduit à
l’intervention de groupes multiples, à la dispersion d’armes et de mercenaires.
Les
terroristes se cachent donc dans toute la région et frappent aujourd’hui le
Niger. Et je salue ici le premier ministre du Niger, et avec une pensée
particulière pour le président ISSOUFOU. Mais peut-être se dirigeront-ils, ces
mêmes terroristes, ailleurs en Afrique.
Alors c’est
votre devoir, Mesdames et Messieurs, de faire en sorte que nous puissions être
en solidarité par rapport au Sahel. De lui apporter l’aide pour son
développement, de faire en sorte que sa population ait confiance, que les
jeunes puissent trouver un espoir pour leur vie. Et en même temps, que nous
puissions assurer la sécurité.
Et c’est la
raison pour laquelle, à la fin de l’année, j’ai convié les chefs d’Etat
africains à venir à Paris, pour que nous puissions mettre en place, avec eux,
cette force d’intervention, qui pourrait agir là où elle sera nécessaire.
Mesdames et
Messieurs, en février dernier, j’étais à Tombouctou et à Bamako. J’y ai reçu un
accueil de la part du peuple malien que je n’oublierai pas. Je revois la joie
de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui nous remerciaient.
Et notamment
des femmes. Et c’est pourquoi j’ai décidé de remettre la moitié du prix
Houphouët-Boigny à la branche malienne du réseau « Paix et sécurité des
femmes de l’espace de la CEDEAO ». L’autre moitié, sera versée à
l’association française « Solidarité défense », qui s’occupe des blessés
de guerre et des familles de soldats français décédés.
J’ai, en cet
instant, une pensée pour nos militaires morts pour la liberté du Mali. Vous
avez cité leurs noms, je vous en suis reconnaissant. Le premier de ces soldats
qui donna sa vie pour le Mali, c’était Damien BOITEUX. C’était dans les heures,
je dis bien les heures, qui ont suivi la décision que j’avais prise de faire
intervenir nos forces avec les armées maliennes. Il fut donc le premier, dans
un hélicoptère, à prendre, avec d’autres, mais lui plus particulièrement, la
responsabilité de casser la colonne terroriste et de faire en sorte qu’elle ne
puisse plus nuire, et qu’il y ait ce message clair, à ces groupes qui
voulaient envahir le Mali, qu’ils ne pouvaient plus avancer.
Il a donné
sa vie pour cette cause-là. Et je sais que des enfants maliens portent son nom
aujourd’hui, Damien BOITEUX. Un jour, dans plusieurs années, s’il m’est donné
de rencontrer un enfant qui porte le nom de Damien BOITEUX, je le serrerai
contre mon cœur en pensant à celui qui est mort pour le Mali, aux soldats qui
ont donné le sacrifice de leurs existences, et je penserai, en l’ayant contre
moi, au Mali et à cette indéfectible amitié entre la France et le Mali.
Car le prix
qui m’est remis aujourd’hui, et une nouvelle fois, me tournant vers le jury, je
vous en exprime ma gratitude, c’est un prix qui honore la France toute entière.
La France des droits de l’Homme. La France des valeurs universelles. La France
des libertés. La France de la solidarité avec l’Afrique. Merci, pour la France.
Merci, pour le Mali. Merci, pour la paix. Merci, pour l’Afrique. Voilà, ce prix
est un symbole, le symbole de peuples qui savent qu’au-delà de leurs intérêts,
il y a, tout simplement, les valeurs qui nous unissent.
François Hollande signe le livre d'Or, Prix Houphouet-Boigny pour la recherche de la paix UNESCO |
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