DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN OUVERTURE DE
LA RÉUNION MONDIALE SUR L'ÉDUCATION AU SIÈGE DE L'UNESCO
Madame la Présidente de la République fédérale démocratique d’Ethiopie, Monsieur le Président de la Namibie, Madame la Première ministre de Tunisie, Madame la Directrice générale, chère Audrey, je suis très heureux, Mesdames Messieurs les ministres, Madame la Commissaire, Mesdames Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames Messieurs, d’être parmi vous aujourd’hui.
Le Président Emmanuel Macron arrive à la 41e session de l'UNESCO en compagnie d'Audrey Azouley Directrice Générale de l'UNESCO
Je trouve qu’il y a
quelque chose d’éloquent dans le plateau qui est là. Sahle – Work Zewde ( Precision par ngobithe : Sale-Work Zewde est présidente de la République Fédérale Démocratique d’Ethiopie) ne peut pas être avec
nous aujourd’hui, je sais qu’elle le regrette compte-tenu des questions
éminemment sécuritaires et de la terrible guerre que traverse son pays mais vos
trois pays n’ont pas vie facile et vous êtes trois chefs d’Etat et de
gouvernement qui êtes là, aux côtés de la Directrice générale à Paris, pour
parler d’éducation et venir soutenir cette initiative, conscientes et
conscients du fait que les défis qui sont les vôtres, d’urgence extrême, impliquent
néanmoins de rester investis collectivement sur cette bataille fondamentale qui
est celle pour l’éducation. C’est aussi pour cela que je tenais à être à vos
côtés, Madame la Directrice générale, parce que l’éducation de nos enfants est
en effet une cause sacrée et elle a été éminemment bousculée et elle continue
de l’être par les morsures de notre époque.
D’abord la pandémie,
vous l’avez évoquée les uns et les autres. Au plus fort de la crise et de
l’épidémie que nous venons, et que nous sommes encore en train de traverser, il
y a eu 1,5 milliard de jeunes filles et de jeunes garçons qui ont été privés
d’école ou d’université. Ils l’ont encore été davantage dans les endroits où il
y avait de la pauvreté, où il n’y avait pas de numérique et où cette impossibilité
de rejoindre son école, son collège, son lycée ou son université n’avait aucun
palliatif, aucune possibilité d’apprendre depuis chez soi ou derrière un écran.
Et il y a aujourd'hui, vous l’avez rappelé, madame la Directrice générale,
durablement peut-être, 11 millions de filles qui pourraient ne plus trouver les
bancs de l’école suite au Covid. Et donc, les inégalités éducatives que nous
connaissons avant la crise sont encore renforcées par celle-ci.
Notre planète a vécu
soudain une privation de liberté au carré pour cette jeunesse, pour nos
enfants, les empêchant de retrouver leurs contemporains et d’apprendre. Mais la
pandémie ne serait qu’une chose car elle est limitée dans le temps et nous
sommes en train collectivement de la vaincre aussi par notre engagement, par la
science et par la solidarité internationale si l'école et l'éducation n'étaient
pas toujours la première victime des obscurantismes. Lorsque le terrorisme
attaque, il attaque l'école et la France l'a vécu dans sa chair. La reprise des
attentats dès 2012, ce fut une école touchée. Il y a encore un an, Samuel PATY,
assassiné. Partout dans le monde, quand le terrorisme gagne un centimètre,
c'est l'école qui se sacrifie. Et vous avez rappelé, Madame la Directrice
générale, ce que le Niger a vécu ces derniers jours. Je veux ici avoir une
parole de solidarité pour tous les pays du Sahel en particulier, et tous les
États qui souffrent aujourd'hui du terrorisme, lequel conduit à fermer à chaque
fois des centaines, des milliers d'écoles au Mali, au Niger, au Burkina Faso,
au Nigeria et ailleurs. À chaque fois, ce sont les écoles, les premières
victimes. À chaque fois, ce sont les enfants, renvoyés vers l'obscurité. À
chaque fois, ce sont les jeunes filles, plus encore que les jeunes garçons, qui
sont privées de l'accès au savoir. Notre enjeu est donc bien là. Celui qui
permet d'accéder aux opportunités, celui qui permet d'accéder au savoir, celui
qui permet véritablement de bâtir la paix, c'est l'éducation, c'est l'école.
C'est pourquoi le combat que nous menons collectivement est un combat
existentiel pour les démocraties et pour la coopération entre les nations, pour
la coexistence pacifique entre les nations. Ce combat, c'est celui qui a été au
cœur de la République française et je veux saluer ici l'action que mène notre
ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports depuis bientôt
5 ans.
Notre République s'est
construite par l'école, le savoir, par sa capacité à faire accéder des femmes
et des hommes qui pendant longtemps n'avaient pas accès à ce savoir, à
celui-ci, à une langue commune, un savoir commun. Et à travers l'école ouverte
durant la crise, puisque la France fut l'un des pays qui a le moins fermé ses
écoles, à travers tout le travail pour une école de la confiance, une
obligation scolaire élargie, une obligation de formation au-delà de 16
ans, le dédoublement des classes, les internats d'excellence et j'en passe,
l'objectif qui est le nôtre depuis 4 ans et demi est bien de continuer à mener
ce travail inlassable de lutte contre l'obscurantisme et de conquête, à chaque
fois supplémentaire, d'une part de confiance, d'une égalité des chances. Et en
quelque sorte, c'est le combat que nos pays ont à mener, celui qui consiste à
ne pas faire bégayer l'histoire et, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le
Président, à permettre à tout enfant, quelle que soit son origine, d'avoir
accès à des fonctions, des responsabilités, des opportunités, simplement en
raison de ses talents et de son engagement et pas en étant déterminé par une
assignation familiale ou sociale. C'est ce qui fait que vous recevoir
aujourd'hui à Paris est pour nous une fierté car je veux croire en effet que
Paris est cette capitale de l'éducation grâce à l'UNESCO, grâce à votre
travail, Madame la Directrice générale, le travail de l'ensemble de vos équipes
et ce qui a été mené durant la crise et bien avant, depuis le début de votre
existence.
L’UNESCO, à travers la
coalition qui a été bâtie durant la pandémie pour justement résister, le
travail essentiel mené pour les questions éducatives mais aussi, le lien entre
l’éducation et la culture, joue un rôle essentiel dans ce combat. Mais par la
présence également de l’OCDE à Paris, organisation internationale qui joue un
rôle essentiel pour le partage des meilleures pratiques, l’évaluation des
pratiques éducatives, à travers maintenant la présence d’un bureau du
Partenariat mondial pour l’éducation qui a fait le choix, il y a maintenant, un
peu plus de deux ans, d’installer une partie de ses équipes à Paris pour conforter
ce lien, à travers la présence de l’Organisation internationale de la
Francophonie, qui elle aussi, conduit des actions éducatives absolument
essentielles, à travers tous les continents pour former, aider à apprendre et à
travers les actions menées à l’international par le ministère de l’Education
nationale et du ministère des Affaires étrangères et notre réseau d’écoles.
Tout cela fait de Paris l'épicentre de ce combat pour l'éducation et une
capitale mondiale de l'éducation qui vise, d'une part, à promouvoir ce sujet et
à le mettre au cœur, comme nous le faisons aujourd'hui, de l'agenda
international.
Ensuite, d'investir pour
la formation des enseignants et des formateurs, combat essentiel, car
développer les écoles n'est pas simplement construire des murs, mais c'est
permettre de former les enseignants aux meilleures pratiques, de diffuser les
pratiques et les contenus à l'international à travers nos formateurs, mais
aussi aujourd'hui, les instruments numériques et les pratiques en ligne. De permettre
également l'évaluation indépendante ouverte, transparente et de permettre
l'échange de bonnes pratiques. Tout cela, l’UNESCO, avec les partenaires que
j'ai évoqués, le fait ici et à travers le monde et donne à ce combat, je
dirais, toute sa force et toute sa place. C'est pourquoi nous continuerons à
investir, consolider le travail qui est le vôtre, l’accompagner dans les années
qui viennent car ce combat est essentiel. A cet égard, je veux ici soutenir à
mon tour la Déclaration de Paris. Elle constitue un pas en avant absolument
indispensable en faisant de l'école le lieu privilégié de construction d'un
projet commun, d'un destin partagé pour nos sociétés, en faisant de l'école la
victoire des lumières de la science contre toute forme d'obscurantisme. Les
chiffres de l'UNESCO sont d'ailleurs cruels à cet égard avec beaucoup des Etats
membres. Moins de 1 % des plans de relance à travers le monde ont été consacrés
à l'éducation. Et donc, à ce titre, l'impératif qui est posé par la Déclaration
de Paris constitue à mes yeux une forme d'impératif catégorique : consacrer au
moins 4 à 6 % du produit intérieur brut à l'éducation. Consacrer une part plus
significative des plans de relance nationaux à l'éducation. Augmenter le
volume, la prévisibilité et l'efficacité de l'aide internationale à l'éducation
pour ainsi forger un droit à une éducation de qualité pour chaque enfant et
consacrer l'éducation en tant que bien public et commun. Derrière ces
principes, ce sont donc des réalités qu'il faut mettre, des engagements
budgétaires et des choix clairs dans chacun de nos pays, mais aussi pour mieux
structurer notre aide publique au développement, notre investissement
solidaire. C'est à ce titre que nous avons, dès 2018, augmenté notre
participation au Partenariat mondial pour l'éducation, ce que nous avons encore
confirmé pour la période 2021-2025, avec 333 millions d'euros. C'est aussi pour
cela que la France est engagée avec le Programme alimentaire mondial pour une
initiative forte pour l'alimentation scolaire et permette de servir partout à
travers le monde des repas pour nos enfants. Et c'est aussi pour cela que nous
continuerons, au-delà de la déclaration de Paris, de soutenir toutes les
coalitions ainsi portées pour mettre l'éducation au cœur de nos politiques parce
que c'est ainsi qu'on bâtit les citoyens, parce que c'est ainsi qu'on construit
l'égalité entre les femmes et les hommes et parce que c'est ainsi qu'on
construit de manière durable des opportunités économiques et l'avenir de nos
sociétés.
Cette déclaration de
Paris est donc à mes yeux, le socle des initiatives à venir qu'il nous faut
maintenant continuer de bâtir. La planète est en train de se mobiliser avec
retard, encore de manière imparfaite, pour le climat en ce moment à Glasgow
mais le combat pour l'éducation est un combat aussi important car sans
celui-ci, la science recule. L'obscurantisme gagne. Les doutes, y compris sur
ce que la science permet d’établir, qu’il s’agisse des dérèglements
climatiques, qu’il s’agisse de la confiance dans le vaccin ou de la manière de
lutter contre une épidémie, prospèrent et donc si nous voulons avoir des
sociétés qui sont encore des sociétés de progrès, qui décident de coopérer, qui
mettent l’intelligence au service du bien commun, nous avons besoin de redonner
de la force au combat pour l’éducation, nous avons besoin partout à travers le
monde de bâtir un agenda pour l’éducation qui est un véritable agenda
d’investissement dans l’humain car il est la base de tout. Il est le socle sans
lequel ce que nous investissons pour le climat, pour la santé ou pour nos
autres biens mondiaux se désagrègera derrière les coups de boutoir de
l'obscurantisme, derrière les coups de boutoir de toutes celles et ceux qui
veulent à nouveau faire reculer nos sociétés. C’est pourquoi je tenais à être
parmi vous aujourd'hui car cette Déclaration de Paris, pour moi, est le
fondement de ce multilatéralisme efficace et de nos engagements. Elle est le
fondement de ce que nous aurons à construire dans les mois et les années qui
viennent.
Dans quelques mois, la
France prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne. Nous mettrons
aussi ce sujet au cœur de notre agenda. Nous aurons à bâtir un nouveau
partenariat avec l’Afrique. Je l’ai mis au cœur de la présidence française et
ce New Deal que nous avons décidé de construire avec nos partenaires africains
aura une composante éducative essentielle. Comment accepter aujourd’hui qu’à la
Banque mondiale, au Fonds monétaire international, dans nos propres règles de
coopération, nous ayons les mêmes chiffres, la même grammaire financière
qu'avant la pandémie là où, pour tous nos pays, nous l'avons adaptée ? Comment
accepter de demander les mêmes contraintes à des États qui parfois dépensent
20-30 % pour leur sécurité et qui, du coup, sacrifient sur quoi ? L'éducation
de leurs enfants. Nous ne bâtirons une relation équitable que si, là aussi,
nous savons remettre les choix véritables et cet investissement éducatif au
cœur de ce partenariat nouveau.
Voilà, mesdames et
messieurs, ce que je voulais partager avec vous en venant soutenir tout à la
fois vos travaux et votre engagement. Ce que nous sommes en train de
construire, c'est un nouveau pacte entre nos générations qui est en même temps
un pacte de justice entre les différentes régions de la planète et je crois que
ce combat est au cœur de votre organisation. L'UNESCO, qui est cette conscience
des Nations unies, l'UNESCO qui est le fruit de combats d'éminents politiques
et philosophes français, et j'ai emprunté quelques mots, et à BLUM et à BERGSON
dans les phrases que je viens de prononcer. L'UNESCO fêtera dans deux jours ses
75 ans et je pense que le combat que vous portez aujourd'hui à travers cette
réunion est au cœur de votre histoire mais également de tous les combats futurs
pour l'UNESCO.
Merci pour cela. Merci à
toutes et tous pour vos travaux et merci des combats à venir.
Le renforcement de la coopération dans le domaine
de l’Education a été au centre d’un entretien, mercredi 10 novembre 2021
à Paris, entre le ministre de l’Education Nationale, du Préscolaire et des
Sports, Chakib Benmoussa, et le ministre français de l’Education nationale, de
la Jeunesse et des Sports, Jean-Michel Blanquer.
Thérèse
Diatta Ngoboh
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