L’alphabétisation : investir pour le futur
Cette année la remise du Prix de l'Alphabétisation se déroule à Dacca (Bangladesh)
Aujourd’hui, deux tiers des 781 millions d’adultes analphabètes dans le
monde sont des femmes. Avec de surcroît cinquante-huit millions d’enfants en
âge de fréquenter l’école primaire qui ne sont pas scolarisés, et 63 millions
d’adolescents en âge de suivre un enseignement dans le premier cycle du
secondaire qui ne peuvent pas non plus exercer leur droit à l’éducation , le
risque est de voir grandir une nouvelle génération d’analphabètes.
Pour la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, « cette
situation inacceptable constitue un frein aux efforts déployés pour réduire la
pauvreté et promouvoir le développement humain. »
Les Prix internationaux d'alphabétisation de l’UNESCO récompensent des
programmes innovants qui démontrent le rôle central que joue l’alphabétisation
dans la promotion des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la
résolution des conflits et de la diversité culturelle. L’alphabétisation, base
de toute forme d’éducation et d’apprentissage tout au long de la vie, constitue
un droit fondamental garanti par la Déclaration universelle des droits
de l’homme. Les lauréats de nos Prix 2014 prouvent à quel
point l’alphabétisation est un accélérateur du développement, permettant aux
sociétés d’avoir une croissance plus inclusive et durable. Leurs projets créatifs
– aux impacts durables sur les individus et les communautés, même dans les
contextes les plus difficiles – nous inspirent tous. Les Prix seront attribués
à Dacca (Bangladesh) à l’occasion de la Journée internationale de
l’alphabétisation, le 8 septembre.
Les lauréats 2014 du Prix
d’alphabétisation UNESCO-Roi Sejong sont le ministère de l'éducation
de l'Équateur, ainsi que l'Association pour la promotion de l'éducation non
formelle du Burkina Faso. En Équateur le projet d’éducation de base
des jeunes et des adultes a bénéficié à près de 325 000 personnes depuis son
lancement. Les participants sont invités à profiter des services mis à leur
disposition par les pouvoirs publics, tels que le soutien à l’emploi, les soins
de santé, ainsi que les primes agricoles. L’enseignement aux populations
autochtones est dispensé dans leur langue maternelle et selon une perspective
qui prend en compte leur vision du monde. « 44 021 personnes de
nationalités autochtones (Quechua) et des peuples de l’Équateur ont
appris à lire et à écrire dans leur langue maternelle. Cela garantit ainsi
l’identité culturelle et la promotion des valeurs ancestrales de cette
population, principalement située en zones rurales, » explique Ester
Maria Lemus, conseillère spéciale en alphabétisation auprès du ministère.
L’Association pour la promotion de l’éducation non formelle du Burkina Faso
met l’accent sur l’alphabétisation des femmes. La population féminine
« représente plus de 50% de la population burkinabé et reste malheureusement
à majorité analphabète à hauteur de 82%. » Cette situation intolérable
reflète l’une des injustices les plus tenaces de notre époque : l’inégalité de
l’accès à l’éducation. L'analphabétisme est responsable de la marginalisation
des femmes et constitue un obstacle de premier ordre à la réduction de la
pauvreté extrême. Il ne peut y avoir de développement durable si les femmes ne
bénéficient pas des mêmes droits et des mêmes opportunités. Afin
d’autonomiser les femmes vivant dans une pauvreté extrême, le programme de
l’association vise à améliorer les conditions de vie des femmes grâce à des
cours d’alphabétisation et des formations relatives à la santé et au
développement économique durable, ainsi que par des dispositifs de micro
crédit. Le programme, qui a touché à ce jour 18 000 femmes dans ce pays
multiculturel et multilingue, a permis des avancées dans la lutte contre la
pauvreté, la déforestation et la pollution grâce à des activités menées dans
cinq langues locales.
Trois organisations ont remporté le Prix UNESCO-Confucius
d’alphabétisation. L’une d’entre elles est l’Association algérienne
d’alphabétisation IQRAA (qui signifie « lire » en arabe), pour son programme
sur « l’Alphabétisation, la formation et l’intégration des femmes » qui a bénéficié
à plus de 17 000 personnes jusqu’ici. En plus d’enseigner la lecture,
l’écriture et l’arithmétique, le programme sensibilise les participants à la
citoyenneté, à la santé, à la protection de l’environnement et aux droits de
l’homme. Le programme propose aussi un conseil juridique aux anciens
bénéficiaires pour les aider à gérer leurs nouvelles activités économiques.
« Un incident tragique est survenu récemment, » se souvient Aicha
Barki, Présidente d’IQRAA. « Une jeune mère qui ne savait ni lire ni écrire
n’a pas donné le bon médicament à son enfant. Elle savait juste que c’était un
médicament, et elle espérait qu’il guérirait son fils malade. Au lieu de cela,
le mauvais médicament a aggravé le cas du petit garçon, ce qui a nécessité son
hospitalisation. L’alphabétisation n’est pas seulement un outil pour la
croissance économique, il est également essentiel pour la survie des
communautés. L'ignorance coûte plus cher que le savoir, ajoute-t-elle.
L’alphabétisation peut sauver des vies ! »
En Espagne, l’École pour l’enseignement tout au long de la vie pour le
développement communautaire Poligono Sur est récompensée pour son programme
qui propose des cours d’alphabétisation, des formations professionnelles,
des cours diplômants ainsi que des formations à la création d’entreprise.
Il s’adresse à une population issue d’horizons culturels variés
constituée de citoyens espagnols, de migrants d’Afrique du Nord et de membres
de la communauté rom. A travers des activités communautaires autour de la musique
et du théâtre, il sensibilise aux problématiques culturelles et
environnementales. Ce programme innovant, qui a réussi à inscrire
l’alphabétisation dans le processus plus large du développement communautaire,
démontre le pouvoir catalyseur et de transformation de l’alphabétisation. Les
témoignages des nouveaux alphabétisés démontrent l’impact majeur que ces
nouvelles connaissances et compétences ont eu sur tous les aspects de leurs
vies. « J’ai 54 ans et je suis en train d’apprendre à lire et à écrire. Je n’ai
pas pu étudier quand j’étais petite parce que je devais m’occuper de mes frères
et sœurs. Aujourd’hui, je viens tous les jours au centre et j’ai même
inscrit ma mère, qui est venue pendant huit ans et a réussi à apprendre à lire
», écrit Dolores Gallego. Pour en savoir plus (en anglais)
Le dernier lauréat est l’Institut Molteno pour le langage et
l’alphabétisation (Afrique du Sud) et l’Institut international
d’alphabétisation (Etats-Unis). Leur programme innovant, « Bâtir des
passerelles vers l’avenir », fait appel aux technologies de l’information
et de la communication (TIC) pour autonomiser les personnes de tous âges vivant
dans les zones rurales ou les zones urbaines défavorisées. Il propose des cours
d’alphabétisation interactifs aux jeunes et aux adultes en anglais et dans
trois langues sud-africaines. Le programme, initié en 2007, a bénéficié à 6 000
jeunes et adultes dans les centres d’éducation de base et de formation pour
adultes et à 30 000 enfants scolarisés. Il aborde aussi le développement
durable en fournissant des contenus d’apprentissage qui traitent de la santé,
de l’environnement, du développement social et de l’éducation
professionnelle. Seipati Machoga, un enseignant de l’Institut Molteno dans la
province du Limpopo, a pu constater la joie de ses élèves lors de leur apprentissage
sur tablettes : « C’était la première fois qu’ils voyaient et qu’ils
entendaient une telle technologie dans leur propre langue. » Il ajoute
ensuite : « Le Limpopo a besoin de technologie, autant dans
l’enseignement primaire que dans l’enseignement secondaire. Mes élèves
rayonnaient de bonheur ce jour-là et j’aimerais pouvoir en faire plus pour eux.
Un jour par mois devrait être dédié à l’apprentissage par les technologies
mobiles. »
Grâce à leurs projets exceptionnels, les lauréats des Prix montrent le
pouvoir de l’alphabétisation dans l’aide aux personnes à développer leur plein
potentiel, et à former des sociétés plus durables, justes et pacifiques. Ils
nous donnent l’espoir que nous pouvons tous mettre fin au cycle d’exclusion qui
découle de l’analphabétisme. L’UNESCO estime que 84% de la population
mondiale aujourd’hui sait lire et écrire, contre 76 % en 1990. Bien que des
progrès aient été accomplis en vue d’atteindre les objectifs internationaux
d’alphabétisation, d’importantes difficultés subsistent que l’on se doit
d’affronter plus résolument dans l’agenda pour le développement de
l’après 2015. « L'alphabétisation est bien davantage qu’une
priorité éducative. Elle est l’investissement d’avenir par excellence. Nous
avons un intérêt commun à faire en sorte que le monde devienne mieux
alphabétisé, » déclare la Directrice générale.
Thérèse Diatta Ngoboh
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